Octobre 2013 - De rebelle isolé à membre de la communauté
Posant son menton sur ses genoux ramenés devant lui, le garçonnet restait ainsi prostré dans son coin alors qu’autour de lui, ce n’était qu’effervescence. Fermant ses yeux, il aurait aimé pouvoir se boucher les oreilles également mais il devait être courageux, il ne devait montrer aucune faiblesse, ni devant elle, ni devant eux. Tous ces gens, il ne les connaissait pas mais du haut de ses cinq ans, il avait déjà appris à s’en méfier comme la peste. Après tout, que pouvait-il faire d’autre ? Il se revoyait quelques mois plus tôt, jouant aux billes dans la cour avec son voisin et ami de toujours quand ils sont venus. A vrai dire, il n’y avait pas vraiment prêté attention, beaucoup trop absorbé par le lancer qu’il préparait quand les bruits ont retentis. Surpris, il avait levé la tête pour voir à travers la fenêtre sa mère se disputer avec les inconnus. La suite, il ne s’en souvenait plus très bien mais elle avait soudain jaillit par la porte arrière de la maison et les avait pris sous le bras, tous les deux avant de filer. Toujours plus loin. Il n’avait pas compris ce qui s’était passé, il n’avait pas compris qui ils étaient ni pourquoi son père et sa sœur n’avaient pas pu venir avec, ni pourquoi ils ne pouvaient plus rentrer à la maison. Oh il avait bien cru à un jeu mais quand il avait fini par dire qu’il en avait marre, qu’il voulait rentrer, sa mère lui avait pris le menton entre les doigts en plongeant son regard dans le sien. « Nous n’avons plus de Chez-Nous Jaime, ils nous ont tout pris, ils ont tout volé » avant de le serrer dans ses bras. Oui, ce souvenir restait gravé dans la mémoire du petit garçon qui passa les mois suivant de sa vie à errer dans la ville comme un fugitif alors qu’il n’avait pas la moindre idée de ce pour quoi il était condamné. Ni pourquoi son père et sa sœur n’étaient pas avec eux.
« Venez les enfants, on va s’installer » intervint soudain la voix de sa mère, sortant le garçonnet de sa léthargie bien qu’il fallut qu’elle lui tende la main pour qu’il se lève enfin. A vrai dire, il ne comprenait pas vraiment ce qu’il se passait. Ils n’avaient cessés de fuir durant les dernières semaines et voilà qu’il devait se rejoindre d’être au milieu de cette foule. Ils leur étaient tombés dessus alors qu’ils étaient entrés en effraction dans une maison et d’une façon où d’une autre, ils avaient convaincu sa mère de les suivre. A la Cité, comme ils avaient dit.

Février 2025 - Un nouveau membre d'Elite est né
On dit que les enfants s’adaptent bien mieux que les adultes aux situations et le moins que l’on puisse dire c’est que cela se vérifia avec Jaimeson qui grandit au sein de la communauté. Finie la vie de fugitif, au sein de la communauté de la montagne, il ne manqua plus de rien et eut la chance de grandir avec de nombreux autres enfants de son âge bien que quelque part au fond de son esprit, il restait toujours une place pour le reste de sa famille : son père et sa jeune sœur. Il avait beau ne jamais parler d’eux, il avait conscience de ne pas être le seul à avoir perdu les siens car nombreux de ses pairs avaient vécu la même tragédie mais si ces derniers avaient fini par abandonner l’idée de les retrouver si longtemps après les faits, ce n’était pas le cas de Jaimeson. Sportif, vigoureux et déterminé, le jeune homme passa son temps libre à s’entrainer au gym ou sur les façades du Mont Nebo en compagnie d’autres jeunes de son âge, aussi fous et indisciplinés que lui. A vrai dire, il ne connaissait pas vraiment les motifs de ces derniers mais lui ne perdait jamais de vue son objectif : être sélectionné pour devenir un Membre d’Elite et rejoindre ses aînés lors des raids. Quitter la communauté quelques temps pour retourner à la civilisation, récupérer des vivres et surtout, espérer retrouver sa sœur quelque part dans la ville. Après tout, certaines âmes avaient pu être extraites des corps, pourquoi pas elle ? Oh bien sur, ce rêve fou il le gardait précieusement pour lui, préférant prétendre vouloir suivre les traces de sa mère devenue elle aussi une membre d’élite. En effet, depuis son installation à la communauté, jamais elle ne cessa de se donner à fond pour servir leur cause, prête à se donner corps et âme pour la survie de la race humaine et en peu de temps, elle s’était faite une place de choix au sein de la communauté, une place dont il était fier et qu’il comptait bien honorer.

« Vous pouvez entrer. Elle vous attend. » Annonça l’infirmière, un beau sourire aux lèvres alors qu’elle s’effaça de l’encadrement de la porte pour laisser entrer le grand brun. Ce dernier passa devant elle sans un mot, le coin des lèvres légèrement pincé. Il avait beau venir toutes les semaines, il était rare qu’il lui dise quoique ce soit et si cette dernière avait d’abord été outrée par tant de taciturnité, elle avait fini par apprendre à le connaître et abandonner ses bavardages auxquels il n’était guère réceptif : il venait voir sa mère, pas une infirmière trop enthousiaste alors que de toute évidence, il n’y avait pas de quoi se réjouir. Se tournant un instant vers l’infirmière, il l’observa d’un air qu’elle lui connaissait que trop bien et une nouvelle fois son cœur se serra quand elle se vit obligée de répondre négativement. « Je suis désolée Kane, il n’y a pas eu d’amélioration. » Ce n’était évidemment pas la réponse qu’il avait espérée mais d’une certaine manière, elle ne le surprenait plus. Voilà de trop nombreux mois que sa mère était dans cet état, les séquelles étaient quand à elles si lourdes qu’il n’y avait que peu de chances pour qu’elle redevienne ce qu’elle avait été auparavant et il en avait conscience, elle nécessitait de bien trop de soins, bien plus que ce que la communauté ne pouvait se permettre. « Je vais vous laisser. N’hésitez pas à m’appeler s’il vous faut quoique ce soit. » finit par prononcer l’infirmière qui savait toujours quand laisser les familles seules avec leurs malades, tournant donc les talons, elle referma délicatement le rideau de la chambre derrière Jaime avant de pousser un petit soupire triste : voilà déjà six mois qu’Elisa Kane avait été hospitalisée dans leur infirmerie et et malgré tous les traitements tentés, rien n’avait pu sauver son cerveau endommagé. Son fils devait se rendre à l’évidence, sa mère était condamnée et il n’y avait guère plus qu’une issue pour elle : l’euthanasie. Mais ça, il semblait évident que le patrouilleur n’y était pas prêt mais ils ne pouvaient plus reculer davantage l’échéance mais ça, il l’ignorait, ou alors refusait de voir la réalité en face.
Quand la porte fut refermée, le brun tourna un instant la tête pour vérifier qu’ils étaient bien seuls avant de s’approcher de sa mère, assise dans son fauteuil. Posant une main sur son épaule, il n’obtint aucune réaction de sa part, si ce n’est un vague gargouillement. Poussant un petit soupire, il finit par faire le tour et s’asseoir tirer la seconde chaise pour lui faire face et l’observer avec tout l’amour que pouvait porter un fils à sa mère. Au fond, il avait conscience que sa mère n’était plus vraiment là, qu’il s’agissait de son enveloppe charnelle mais que son esprit avait filé depuis longtemps déjà, que toute la saveur d’Elisa s’était évaporée on ne sait où. Tout comme lui, elle avait été une Membre de l’Elite féroce et passionnée malheureusement pour elle, un raid avait mal tourné et elle s’était simplement retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment. Elle ne l’avait certes pas payé de sa vie mais les séquelles cérébrales furent si graves qu’il ne restait désormais plus rien d’elle. Tout juste une femme au regard vitreux, bavant à outrance tandis qu’elle gargouillait quelques mots incompréhensibles. Le reconnaissait-elle lorsqu’il venait la voir, chaque semaine ? Rien ne le laissait présager mais Jaimeson ne ratait aucune de ses visites, bien que ces dernières se déroulaient quasiment toujours de la même manière. « J’ai fait une connerie encore… »

Ça allait mal se terminer cette histoire, le type ne le savait peut-être pas encore mais Jaime se connaissait suffisamment bien pour savoir qu’il allait finir par péter un câble, qu’il allait disjoncter une nouvelle fois. Ce n’était pas la première fois qu’on venait le provoquer de la sorte et ça ne serait certainement pas la dernière fois non plus mais c’était plus fort que lui : il sautait à pied joint dans le piège et la situation finissait fatalement par lui échapper. « Laisse tomber Jaime, tu sais comment il est ! » entendit-il vaguement souffler à ses côtés alors que son ami tentait de lui tirer la manche pour qu’il se désintéresse du premier, essayant tant bien que mal de désamorcer la bombe sur le point d’exploser. Poussant un petit soupire énervé, le brun se libéra de sa prise d’un brutal mouvement du bras avant de reprendre sa marche non sans jeter un dernier regard noir sur son camarade d’exercice qui se prenait un malin plaisir à le saouler depuis toujours. XXX avait toujours été un peu crétin mais venir provoquer Jaime sur un sujet aussi sensible, voilà bien l’une des choses dont il aurait pu se passer. L’intolérance de ce dernier avait finit par être connue de tous et si la plupart se contentaient de l’ignorer voir de l’envoyer paître lorsqu’il se mettait à râler, d’autres se croyaient plus malins et cherchaient à venger leurs camarades des remarques acides de Kane. Erreur fatale. « Bordel Jaimeson viens, qu’est-ce que t’en a à foutre de lui ? C’est un bouffon ! » Reprit-son ami en le tirant à nouveau sans le moindre ménagement, levant les yeux aux ciel devant l’attitude butée de l’aîné qui ne faisait décidément rien pour cacher sa mauvaise humeur. « Ta gueule, laisse-moi vivre. »répondit le brun d’un grognement qui révélait davantage de l’animal que de l’humain, se dégageant une nouvelle fois d’une secousse agacée, supportant difficilement ce contact pourtant on ne peut plus innocent de la part de son ami. De moins, pas quand ce con de XXX lui envoyait des baisers de l’autre côté de la pièce. « Allez cassez-vous les tapettes, on sait tous que vous allez vous toucher dans les coins sombres ! » crut bon de lancer le dénommé XXX en cette fin de soirée et si Jaime était parvenu à garder son calme jusqu’alors, l’allusion lui fit aussitôt voir rouge et avant même qu’ZZZ puisse esquisser le moindre geste, il avait tourné les talons pour rejoindre XXX en deux enjambées rageuses. Ce dernier empestait les plantes hilarantes mais qu’il soit high ou non, il avait suffisamment gavé Jaime qui d’un mouvement brutal, le repoussa en arrière. Négociations ? Explications ? Bordel non, il allait lui péter la gueule surtout ! Puis peut-être que s’il lui petait chacune de ses dents il fermerait enfin son clapet ? « Va te faire foutre XXX, sale con. » lui gueula-t-il, la voix vibrante de rage tout en usant le peu de patience qu’il lui restait pour ne pas effectivement lui démolir la bouche.
Comme un animal blessé, il se retournait alors contre son agresseur pour mieux se protéger et éliminer la menace. Ne le prenait-il pas au sérieux ? Grossière erreur, tout le monde savait pourtant que Jaimeson ne faisaient jamais de paroles en l’air, par économie de mots certainement, sa paresse était au moins à la hauteur de son agressivité. Si jusqu’à présent il avait su se contenir, le coup parti cette fois-ci sans autre forme de cérémonie, d’une seule détente aussi puissante que rapide. Atteignant XXX au coin de la mâchoire, il lui sembla bien entendre quelque chose craquer son l’impact mais de là à s’en inquiéter, non. Au contraire, a peine son adversaire eut-il chancelé en étouffant un cri, Kane se rua à nouveau sur lui pour le faire basculer en arrière, se moquant complètement de l’état d'ébriété du jeune homme et de son visage déjà tuméfié par le premier impact. Non, il ne savait pas faire machine arrière et lançant à de nombreuses reprises son poing telle une massue dans la tête à XXX, il voulait à tout prix effacer ce sourire moqueur de sa face. « Je vais te tuer » lui criait-il comme un enragé, frappant encore et encore sans se soucier d’ZZZ qui lui hurlait d’arrêter et ce jusqu’à ce qu’on le tire en arrière de force. Qui étaient-ils ? Il n’en avait strictement aucune idée et surtout, il s’en foutait complètement mais de toute évidence, ils semblaient prêts à intervenir à nouveau alors qu’il se relevait comme si de rien n’était, essuyant le sang de ses mains sur la chemise de XXX. « Dégage espèce de taré ! » lança l’un d’eux en croisant les bras devant sa poitrine, le toisant avec autorité. Se reculant alors de sa victime qui gargouillait à ses pieds, Jaime leva les mains en l’air avec un sourire narquois aux lèvres. « C’est bon, il a juste une égratignure et il ne l’a pas volée ! » fit-il d’un petit rire avant de tourner les talons, sans se soucier si oui ou non, ZZZ le suivait.